Chapitre 29

 

La ville de St Laurent du Maroni 44 000 habitants, est la sous préfecture de la Guyane.

Nous sommes installés sur la rivière Maroni, près du ponton. La marina a une dizaine de corps morts et propose quelques services comme : bar, petite restauration, lavage - séchage du linge, plein d’eau, remplissage de gaz, une voiture avec chauffeur pour aller faire de l’avitaillement au super marché (plutôt pratique !!!). Juste devant se trouvent des épaves de gros bateaux et sur la plage une statue représentant une sirène sauvant un enfant des eaux.

Il y a quelques habitués du bar dont un « voileux » qui a apparemment jeté la pioche ici depuis déjà quelques années…. Il nous dit qu’on le surnomme « l’amiral », ok…. Mais ce n’est pas « l’amiral », c’est « l’ami râle » car il est toujours en train de rouspéter… et…en effet, on confirme !...

Nous commençons la visite de la ville par la partie administrative et logements de fonction, de l’époque du bagne. Les maisons coloniales sont bien conservées et ont gardé pour la plupart leur fonction (centre des impôts, mairie…) Au temps du bagne le maire était le directeur du centre de transportation. Ce quartier avait été surnommé « le petit Paris »  en raison de l’organisation et de la qualité des constructions. La promenade dans ces rues chargées d’histoire est intéressante. Nous longeons les maisons créoles traditionnelles, jusqu’à l’église… Plus loin les constructions sont plus récentes et bien moins travaillées ! Plusieurs statues de bronze jalonnent les rues, faites par un artiste bordelais Bertrand Piechaud. De passage à St Laurent en 1991, il eut l’idée de faire une statue pour cette ville qu’il aimait beaucoup, « La peine du bagnard ». Faite à Bordeaux, elle fut transportée par bateau en 1993. On lui doit aussi les trois enfants et le buste de guillaume Seznec.

Nous consacrons la matinée du samedi à la visite du marché en plein air, très coloré… On y trouve toutes sortes de légumes et de fruits locaux cultivés essentiellement par le Hmongs, Nous en profitons pour faire le plein…... Sous une sorte de halle, nous sommes attirés par des odeurs de cuisine, en effet, ici les cuisiniers s’affairent et on peut déguster sur place, les spécialités traditionnelles chinoises, Hmongs ou Bushi Nengué. De nombreuses personnes sont attablées devant des bols de soupe ou autre… Pour nous à cette heure ci, ce sera plutôt un café !...

On termine par une visite guidée du centre de déportation. Le guide nous explique les conditions de détention des prisonniers en fonction de leur profil. Beaucoup d’entre eux travaillaient à l’extérieur du bagne, chez les hauts fonctionnaires de la ville, les habitants, chez les gardiens et rentraient le soir pour dormir. En cas de faute, ils étaient jugés, mis dans des quartiers plus sévères, ou guillotinés. La guillotine était installée dans la cour du bagne pour que tous les forçats puissent « profiter » du spectacle. Le bourreau était un bagnard volontaire qui avait un régime particulier (meilleur repas, prime).

Les bagnards condamnés aux travaux forcés occupaient des cellules simples ou doubles. Dans la cour se trouvaient les toilettes et un lavoir. Les relégués (petits délinquants condamnés pour vols), étaient dans un bâtiment pouvant accueillir jusqu’à 40 condamnés .Les blockhaus avait une capacité de 40 personnes, mais pouvaient parfois en accueillir le double dans des conditions très difficiles, entraves pour les plus récalcitrants, promiscuité, manque d’air et conditions sanitaires minimum. Le quartier spécial (12 cellules) recevait les condamnés à mort. Trois autres quartiers existaient, un pour les bagnards en attente de départ pour les îles du salut, les deux autres pour les condamnés difficiles. Ils étaient isolés des autres par des grilles.

Enfin, nous avons pu visiter la cellule d’Henri Charrière dit « Papillon ».

Malgré les conditions difficiles, il semble que ce bagne ait été plutôt « confortable » par rapport aux autres bagnes de Guyane. C’était en quelque sorte un « bagne modèle » (repeint régulièrement de couleurs vives et attrayantes avec beaucoup de décorations). Il était très sain, bien aéré et drainé des eaux pluviales

 

Mardi 21 mai

Nous quittons St Laurent du Maroni pour rejoindre Paramaribo au Suriname. Nous levons l’ancre sous la pluie, et profitons  de la marée descendante pour gagner la mer plus rapidement. Le ciel est de plus en plus noir et nous prenons grain sur grain… Nous croisons de nombreux bateaux de pêche et la navigation n’est pas facile, il faut surveiller les éventuels filets afin de ne pas se jeter dedans ! Belle prise pour les pêcheurs, mais belle galère pour nous…. Nous avançons bien, le courant est porteur et nous fait facilement gagner 3 nœuds. A cette allure nous arriverons plus vite que prévu ! En fin d’après-midi nous avons droit à une petite éclaircie, malheureusement elle n’est que de courte durée et nous reprenons la pluie pour tout le reste du voyage. Nous arrivons vers 23 heures 30 à l’entrée du chenal de la rivière Paramaribo. De nombreux bateaux de pêche sont tout autour de nous, la mer devient plus forte et la pluie fait un rideau devant Île de Croc. Nous décidons d’ancrer là et d’attendre le lever du jour pour nous engager dans le canal. Mais à 4h, le vent et la houle tirent trop fort sur le bateau ; nous reprenons notre route, toujours sous le déluge… Nous essayons de deviner les bouées dans la brume et avançons dans la rivière. Nos cartes sont très précises et nous aident bien à suivre notre cap. Nous arrivons un peu cassés en face de la ville de Paramaribo devant l’hôtel Tarrarico où nous avons lu qu’il y avait un mouillage et même la possibilité de profiter de la piscine et des douches de l’hôtel moyennant un petit prix de journée. Nous sommes ravis d’être enfin posés….. La navigation a été pénible….

A peine une demi-heure de répit et nous entendons un moteur… puis des appels !

C’est la police…. Ils montent à bord,  nous demandent ce que nous faisons là en contrôlant nos papiers, et enfin nous expliquent que nous ne pouvons pas rester ici car nous sommes devant le palais du président !... Nous comprenons et nous leur assurons que nous quitterons les lieux  dès le début d’après-midi quand la marée remontera car le courant est très fort. Ils sont d’accord et remontent sur leur bateau avec leur imper de fortune (de grands sacs plastiques passés par la tête … Pas beaucoup de moyen la police du Suriname !!!). Nous commençons à nous relaxer, mais… de nouveau un bruit de moteur… eh oui c’est la police qui revient ! Leur supérieur n’est pas d’accord pour que nous restions jusqu’en début d’après-midi, il faut partir tout de suite, mais avant il faut leur donner les papiers du bateau, ils se sont faits « remonter les bretelles » car ils n’avaient pris que nos identités !!! Ceci fait les voici repartis toujours sous une pluie battante et nous levons l’ancre sous la même pluie et à contre courant, avec une visibilité quasi nulle direction Domburg quelques miles plus loin après un immense pont qui enjambe le Suriname. Quand nous arrivons enfin à Domburg, nous prenons un corps mort, toujours sous des trombes d’eau, et zut, la gaffe tombe à l’eau… Pour ma part je l’aurais volontiers laissée suivre le courant, mais c’est sans connaître mon capitaine !!! Vite annexe à l’eau, moteur monté et le voilà parti à la poursuite de la gaffe… qu’il rapportera une petite demi-heure plus tard ! Nous sommes crevés, un petit repas et une bonne sieste en écoutant tomber la pluie, on verra demain pour les démarches de douane.

Le lendemain nous descendons donc à terre, la pluie a enfin cessé, Un ponton permet d’accoster et de laisser les annexes. Nous découvrons un joli bar avec piscine, douches, toilettes. Tout ceci est à notre disposition inclus dans le prix de journée du corps mort. La personne qui gère la marina nous commande un taxi pour le lendemain afin que nous puissions faire toutes les formalités d’arrivée à Paramaribo, la capitale: immigration, douanes, visas et carte touristique.(elle nous rappelle qu’il faut que Jean Marie soit en pantalon car ici pas moyen d’entrer dans une administration en short !!!).

Le Suriname est un pays de 590000 habitants pour une superficie de 163000 km2, qui doit son nom à son fleuve principal. Il se situe sur la côte Nord-Est de l’Amérique du Sud, entre le Guyana à l’ouest, La Guyane Française à l’Est et le Brésil au Sud. Il fut une colonie des provinces unies au XVIIe siècle, sous le nom de Guyane néerlandaise, puis devint une région autonome du royaume des Pays Bas en 1954 et acquit son indépendance en 1975. On y parle le Néerlandais (langue officielle), le surinamais (créole à base anglaise), l’hindoustani du Suriname, le javanais et enfin l’anglais qui est largement parlé (heureusement pour nous !!).

Au bar de la marina, je fais la connaissance de Philippe et Corinne que Jean-Marie a connus à Kourou, ils sont au corps mort juste devant nous, arrivés depuis une semaine déjà. C’est avec eux que nous irons faire nos démarches à Paramaribo car ils doivent faire leur sortie, ils partent dimanche.

En attendant nous profitons de la piscine entre deux averses. Le soir nous mangeons au resto de la marina avec Philippe / Corinne et faisons la connaissance de François, lui aussi sur un voilier. François est artiste, il écrit des opéras, très inspiré de la culture brésilienne, lui est ici depuis plus d’un mois.

Les formalités faites, il ne nous reste plus qu’à visiter…..

Tout d’abord la capitale, avec son architecture coloniale hollandaise, ses grandes rues bien droites et ses belles maisons, le fort Zeelandia, la cathédrale Saint Pierre et Saint Paul, toute en bois, magnifique, l’immense palmeraie… Nous arpentons les rues en tout sens, elles « grouillent » de monde, il y a de nombreux petits commerces et des magasins « chinois » (où l’on trouve de tout, mais hélas la même chose) tous les 100m. Des restaurants, de la musique, du bruit… On n’est plus habitués à tout ça ! Ça nous épuise….

On retrouve avec plaisir le calme du fleuve et notre petit Île de Croc.  Du bateau on entend le soir et le matin les singes hurleurs qui sont sur la rive sud, inhabitée. Nous sommes allés avec l’annexe pour essayer de les voir, mais sans succès…

Nous louons une voiture pour aller visiter l’autre côté du fleuve, le New Amsterdam, mais aussi pour aller nous promener vers les régions plus au nord du pays, forêt tropicale, barrage et village de Brokopondo. Nous voyons de nombreux temples et mosquées peints de couleurs très vives, rose, vert pétant…il faut aimer ! Nous empruntons des- chemins qui nous mènent près du fleuve ou dans des petits villages faits de huttes sur le sable blanc. Heureusement que nous avons loué un 4x4 car les routes sont complètement défoncées. C’est un vrai gymkhana, il faut constamment regarder où l’on met les roues si l’on ne veut pas faire comme Philippe qui s’est payé un trou et a crevé deux pneus !!! Autre difficulté, ils roulent à gauche et deux ou trois fois on a plutôt eu tendance à aller à droite…. Hum… le volant répondait bien !...

Voilà deux semaines que nous sommes ici, mais la pluie et l’eau boueuse commencent à nous peser. Nous décidons de reprendre la mer direction Tobago. Philippe qui est là bas depuis une semaine nous dit que le climat est complètement différent… Nous allons tester.

Nous préparons Île de Croc et quittons Domburg le 1 juin pour une traversée de 480 miles. Le vent et le courant nous font atteindre une vitesse jusqu’à 10 nœuds ce qui est assez exceptionnel pour un voilier comme le notre ! Nous avançons bien et si bien que nous arrivons en vue de Tobago le 4 juin, en pleine nuit alors que nous avions prévu une arrivée avec le jour ! Nous aurons mis 2 jours et 21 heures pour arriver à Scarborough. Nous faisons le tour de la baie, mais le port a été bien modifié depuis le dernier passage de Jean-Marie il y a 18 ans ! Plus de place pour les voiliers .... Nous  repartons donc au large, direction le sud de l’île, vers Store bay. C’est une magnifique baie bien abritée, aux eaux turquoise, avec un petit village dans le fond, et de magnifiques hôtels en bord de plage. On jette l’ancre avec plaisir et on se met à l’eau ! Que c’est bon ! Plus d’eaux boueuses, plus de pluie …WOUAH ! Le délice……